Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Musique Contemporaine

16 décembre 2005

Petite notice sur la musique contemporaine à l’usage de tous

(Pour ceux qui ne l’auraient pas encore eu ou lu)
(Pour ceux qui n’ont pas eu cette version augmentée)

 

L’humble dessein de ces quelques pages est d’essayer de faire le point sur la musique contemporaine. Chaque aspect abordé devrait être source à complément.

Commençons par donner une succincte définition de cette musique.

C’est la résultante actuelle de la musique savante qui a évolué au sein de l’occident et dont les origines s’identifient avec les premiers chants de l’église chrétienne, eux-mêmes issus de trois grandes traditions : celles orales du monde celtico-gaulois et du monde judéo-chrétien, et celle du monde gréco-romain où une forme d’écrit est déjà présente. La complexification du chant, le désir de transmission et la volonté de reproduction fidèle, ont nécessité une transcription par écrit. Ce moyen va permettre aux compositeurs qui cherchaient d’abord à élever l’âme de s’adresser également à l’esprit. En effet, avec l’apparition des premières notations, une construction et un développement élaborés du discours sont alors possibles. Elle aboutit ainsi à un degré de complexité et un travail artistique qu’elle n’aurait pu atteindre en ne se basant que sur une tradition orale.

Depuis ces premiers siècles, les compositeurs, grâce à l’accumulation de tout un savoir qu’ils doivent apprendre et assimiler afin de le perpétuer et parfois de le compléter, font ainsi se modifier, en précurseurs, le langage, l’écriture (de plus en plus précise) et le parc instrumental (corrélativement aux luthiers) tout en s’imprégnant, au fur et à mesure, des diverses musiques auxquelles ils peuvent avoir accès. D’abord vocale, la musique savante emploie ensuite les instruments (sa disposition à étudier lui permettant de s’approprier n’importe lesquels, même les plus traditionnels), puis des objets dont elle intègre les sonorités, et enfin invente l’utilisation musicale de l’électronique. 

Comme leurs aînés, c’est de toute cette histoire, cette tradition, ces moyens et ces théories que les compositeurs contemporains se nourrissent, après les avoir étudiés pendant des dizaines d’années, lorsqu’ils se lancent dans leur propre évolution. Les plus modernes se retrouvent alors dans le domaine expérimental en concevant des matières, des formes, des discours nouveaux, les post-modernes essaient d’épuiser le matériau donné par le passé en l’éclairant sous d’autres angles, les autres utilisent et développent ce qui a trait à leur époque.

Le XXème siècle, avec sa technique et sa science, a donné accès, grâce aux fixations sur support audio et à l’électronique, au travail sur le son lui-même. De même, les nouvelles grandes possibilités de communication et ses recherches ethnomusicologies, ont permis aux compositeurs de prendre connaissance de la plupart des musiques folkloriques et extra-occidentales, et d’ouvrir de nouvelles voies aux recherches musicales. La musique savante, par rapport aux autres musiques, n’étant pas fondée sur l’empirisme et, ne se situant pas dans le lucratif, la renommée ou l’existentiel immédiat, mais dans l’universalité et la durée, a ainsi un rôle de mémoire par l’intégration et l’utilisation, conscientes et raisonnées, qu’elle peut faire de langages ou de moyens compositionnels qui lui sont étrangers.

La musique savante se décompose aujourd’hui en musique instrumentale, où seuls les instruments jouent, musique électroacoustique, où seul un support audio est diffusé, et musique mixte où les deux se mêlent par des procédés de superposition et/ou de transformation du son des instruments en temps réel.

__________

Maintenant que voilà cette musique sommairement décrite, quand est-il du terme à employer pour la nommer? Si nous suivons la définition du dictionnaire Le Robert, qui dit que : « la musique classique est la musique des grands auteurs de la tradition musicale occidentale (opposé à folklorique, légère, de variété) », nous sommes amenés à appeler celle composée aujourd’hui, musique classique contemporaine … un terme bien long. De plus, la formule musique classique est relativement récente et découle de la nécessité que la société du XXème siècle a eu de différentier la musique des musiques dites populaires ou commerciales. Ceci renvoie alors à l’appellation de musique savante, c'est-à-dire, par rapport aux autres musiques, mais comme tous les arts, une musique qui a des connaissances étendues et approfondies, et qui possède une science : ensemble bien organisé de connaissances qui apportent un savoir-faire et une habileté ; pratique qui nécessite des règles. Il semble cependant que la dénomination musique savante soit plus inhérente au monde de la technique et de la définition qu’au monde de l’esthétique. Or les arts, même si le fait, seul, d’être savants leur permet justement de s’exprimer, et d’exprimer avec conscience, extrême finesse, richesse dans l’expression et grande diversité, la pensée et la volonté de leurs acteurs, ont aussi pour but de transcender l’être et non de demeurer simples actes, si bien faits soient-il. Comme le dit Hegel : « l’art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure.» Autant l’œuvre se présente comme un objet offert aux sens, autant elle vise le sens.

 

Nous voilà bien avancés.

Il faut alors remarquer que lorsque nous parlons, dans les arts, de peinture, de littérature, de danse, de vidéo, de cinéma, d’architecture, etc. la distinction d’avec les autres formes que recouvrent ces termes (forme pratique, forme technique, forme industrielle, forme dilettante, forme commerciale etc.) se fait naturellement, n’a aucun besoin d’être exprimée et aucune prétention ne s’en échappe. Ne devrions-nous alors pas dire tout simplement : en art nous sommes « la » musique !

Ceci en signifierait-il quelque chose pour autant ?

Malheureusement non car, au contraire des autres arts (sauf peut-être pour ceux relativement récents et donc encore peu connus, tel l’art vidéo), dont le qualificatif de contemporain sert uniquement à apporter une référence d’expression, c’est de la « musique » contemporaine elle-même qu’on ne connaît pas l’existence. Effectivement, pour la plupart des gens, la musique classique semble avoir disparu il y a à peu près un siècle… il ne peut donc pas exister, pour eux, de musique contemporaine ! Parfois, certains s’étonnent de ne réellement jamais en avoir entendu parler … bien souvent la confondent-ils avec d’autres musiques! Ainsi, avant de la qualifier, faut-il déjà savoir qu’elle existe toujours.

Il serait alors préférable, en premier lieu, de chercher les raisons de cette méconnaissance … afin d’y remédier.

Nous pourrions émettre l’hypothèse que les langages musicaux développés à partir du début du XXème siècle se sont éloignés des affects recherchés par l’auditeur qui ne se serait, par conséquent, plus retrouvé en eux et s’en serait détourné. Certes, le passage du système tonal à un système non-tonal et l’introduction des sons non initialement musicaux dans les pièces, apporta une rude transformation qui, comme la peinture abstraite apparue à la même époque, a mené la notion du beau bien loin de l’opinion courante. Il faut alors rappeler que notre opinion, lorsque l’on ne connaît pas, confond souvent beau et agréable. Or, seul dans le beau réside l’idée du goût, qui, comme tout « sens », découle d’une éducation. C’est par elle qu’il s’affine et s’émancipe en même tant que la culture s’accroît. Nous citerons alors Kant pour qui « le goût rend pour ainsi dire possible, sans saut trop brusque, le passage de l’attrait sensible à l’intérêt moral. » Ce sont donc seulement les disciplines visant le sensible et l’intellect qui, par leurs créations, font évoluer le beau et, par le dialogue qu’elles ont avec le monde, forment le goût. Ainsi, de tous temps, la musique savante (et les arts en général) s’est émancipée des appétences simplement émotionnelles. Elle faisait alors aussi certainement réagir une partie de l’auditoire, sans que cela l’empêche d’être connue et reconnue. Si la dépréciation était seule en cause, nous pourrions en faire fi, mais il semble qu’il est nécessaire de chercher ailleurs l’inconnaissance ou le désintéressement qui accable cette pauvre musique contemporaine. 

Quelle a été, pour la musique en général, la grande révolution du XXème siècle… et qui s’accéléra après la seconde guerre mondiale. L’enregistrement et avec lui l’écoute possible n’importe où, n’importe quand et surtout n’importe comment. Jusque là, il fallait faire un effort (mettre l’être, au deux sens du terme, en mouvement) pour se diriger vers les diverses musiques, en se déplaçant dans une salle de concert, ou un « dancing », ou bien savoir jouer d’un instrument, etc. De plus, chaque forme était différenciée, par sa fonction ou par son lieu de représentation. Maintenant, la plupart des musiques inonde notre quotidien, entraînant une consommation qui banalise la perception et la recherche de sensations simples, forçant au sédentarisme cérébral et inhibant le développement profond de l’ouïe que nécessite la musique savante.

La société contemporaine a, d’autre part, développé un grand nombre de classes et de groupes d’individus très différents qui cherchent à exprimer leurs nouvelles identités en se tournant vers autant de nouvelles musiques… et bien moins vers les autres disciplines du sensible. Cela parce qu’il semble que la musique, intégrée à la vie de tous les jours, est le mode d’expression le plus naturellement accessible et universel. En effet, combien de personnes, lorsqu’elles se regroupent, se mettent à peindre, à écrire, à filmer, etc. pour se sentir en affinité… ne préfèrent-elles pas écouter ou jouer de la musique. Ceci peut s’expliquer par la nature même de cette dernière. Le premier souci de l’homme pensant, outre de survivre, fut de communiquer. Or, les hommes, après la parole, ont eu recours au son et enfin à la musique, bien que n’apportant rien de sémantique, pour transmettre quelque chose dans quoi ils se retrouvaient. Elle se mit à rythmer les activités de la vie quotidienne, fut utilisée comme médium vers le divin, accompagna les festivités ou eut un rôle fédérateur. Cependant, de ces obédiences, la musique savante s’est affranchie pour répondre aux inductions hautement sensibles de l’intellect. Car, comme le dit Hegel, « ces formes ou ces sons sensibles, l’art les crée non pour eux-mêmes et tels qu’ils existent dans la réalité immédiate, mais pour la satisfaction d’intérêts spirituels supérieurs. » Elle se situe donc à part des autres musiques quant à sa fonction et son fonctionnement. Ainsi, alors que s’effectuaient un élargissement de l’accès au monde du plaisir sonore et une profusion de musique en tous genres, la musique savante, qui, elle, ne s’accordait pas avec une telle émancipation facile, commençât à disparaître de l’oreille des gens. En effet, la multiplication des stations de radio et des « stockeurs d’écoute » ne se fait pas dans le sens d’une musique complexe (qui d’ailleurs ne demeure pas fidèle dans les formats compressés) nécessitant une écoute fine, consciente et soutenue. D’autre part, les compositeurs, qui doivent assimiler leurs nombreuses et longues études avant que leurs compositions soient présentables et originales, et passer ensuite plusieurs mois pour écrire une pièce, n’existent qu’en nombre restreint et ne pourraient, avec la rigueur, la qualité et la richesse de langage que la musique savante nécessite, faire face productivement à autant de consommable.

A tout ceci, ajoutons une accessibilité de plus en plus grande aux technologies électroniques et informatiques qui permettent de construire un produit, chez soi, sans forcement avoir de grandes connaissances musicales. On peut d’ailleurs re-remarquer que c’est la musique savante qui a inventé l’utilisation sonore de ces techniques qu’elle développe depuis la première moitié du XXème siècle (notamment sous le nom de musique concrète, musique électronique, puis, en associant les deux, musique électroacoustique), Néanmoins, certains de ces « produits faits chez soi » sont parfois recherchés, riches et complexes, toutes proportions gardées en regard de leur aîné savant. Ils pourront s’appeler musique expérimentale, car procédant d’un travail plutôt instinctif, non élaboré suivant une construction écrite et réfléchie, mêlant empirisme et procédés issus de la musique savante. Le nom de musique « underground » peut aussi parfois leur être attribué car, sans être affiliée au corps de la musique contemporaine, elle est tout aussi méconnue du grand public. Cette musique, prenant la place qu’avait la musique classique, moins facilement manipulable, fleurit maintenant dans une petite partie du milieu artistique, se fondant assez souvent dans les arts multimédia. Mais elle se trouve aussi, au même titre que la musique contemporaine, noyée dans une autre musique, bien plus simple, bien plus commerciale et ne faisant pas appel à la même nécessité expressive (particulièrement le non détachement aux rythmes les plus triviaux de la danse), une musique qualifiable de « nouvellement électronique », qui semble plus intéressée par l’impact de popularité, la « coolitude » du moment, la « déchirure transpondentielle », le soucis de trouver le créneau « marketing » vacant, l’adulation de sa personne, que par ce qu’il y aurait à transmettre dans chaque acte créatif. Tout cet amalgame, issu de « l’outil du siècle », fait ainsi disparaître le compositeur de musique savante, qu’il écrive pour instruments ou pour dispositif acousmatique.

__________

… cette seconde partie est à nuancer … et à compléter … des réponses, apportées par des non habitués de la musique classique ou de son expression contemporaine, seraient les bienvenues… ainsi que celles de personnes évoluant dans d’autres arts et dans le milieu de la musique électronique.

 

Ludovic Laurent-Testoris

Publicité
Publicité
16 décembre 2005

Les origines et les raisons d'un tel blog

Nous développons tous les trimestres, dans le cadre de nos actions avec la mairie du IXème arrondissement et de sa salle Rossini, les événements pluridisciplinaires OP OP, comprenant un concert et une exposition. Ceux-ci sont issues d’une constatation, d’une réflexion et d’une volonté d’assouvir un manque auquel notre musique seule ne peut répondre …… le tout toujours lié à notre détermination d’ouverture active et consciente de l’art au grand public… en évoluant, didactiquement et avec gratuité, dans un lieu qui lui est plus familier.

En effet, n’étant pas insensibles aux autres arts de création avec lesquels nous aimons coopérer, il nous arrive de penser qu’une insuffisance de rencontres entre les acteurs des diverses disciplines artistiques peut être à l’origine d’un manque de réceptivité, d’intérêt et de sensibilité vis-à-vis de l’évolution de chacune d’elles par rapport aux autres … et d’un manque de connaissances, notamment pour la musique contemporaine. Chaque discipline apparaît alors plutôt sectorisées, voire « sectarisées »… et la musique contemporaine souvent plus que les autres. Cette communication, fragmentaire, s’adressant surtout à des habitués et dans des lieux particuliers, ne permet ni de tisser des liens entre les arts, et donc à leurs acteurs de connaître les autres, ni au grand public d’accéder facilement aux diverses expressions.

Pour les soirées OP OP, notre détermination de guider l’oreille des spectateurs nous a fait élaborer des programmes de concert suivant trois axes : musique du répertoire, antérieure au XXème siècle, musique du répertoire, antérieure à 1970 et musique contemporaine dont des créations … certaines se mêlant à d’autres disciplines artistiques.

Nous proposons aussi à des artistes, en parallèle du concert et pour quelques jours, d’habiter les dépendances de la salle Rossini avec des installations (plastiques, vidéos, etc.).

Cette programmation didactique permet aux artistes de découvrir l’autre et à un public assidu, mélomane mais parfois néophyte en musique contemporaine, de découvrir, de mieux connaître et d’apprécier les nouvelles sonorités et conceptions de cette musique « classique » que nous écrivons et jouons aujourd’hui …… et enfin de l’art en général….

 

Il est évident qu’en tant que compositeur, mon ambition est de faire prendre conscience, pour ceux qui ne la connaissent pas ou pas vraiment, de ce qu’est la musique contemporaine… de faire admettre qu’elle existe toujours et qu’elle a encore sa place dans l’art contemporain.

La « petite notice sur la musique contemporaine », même si nous l’avions écrite depuis quelques temps afin de définir succinctement la musique contemporaine lors de nos interventions, s’est développée suite au colloque sur la musique contemporaine, qui s’est déroulé le 17 et 18 septembre 2005 à l’Opéra Comique, et qui «était organisé par « futurs composés » ….. définis ainsi …. et un peu avec suffisance (je n’en fait certainement pas moins!!):

Pour la première fois, un collectif de tous les “acteurs" de la musique contemporaine en Ile-de-France se constitue et témoigne pendant deux jours de la vitalité de la création musicale d'aujourd'hui. L'Ile-de-France est sur le territoire national la région qui concentre le plus de compositeurs, d'artistes musiciens-interprètes, de compagnies, d'ensembles, de structures et de collectifs les plus divers défendant la création musicale contemporaine, qu'elle soit écrite, improvisée, électronique, électroacoustique, pluridisciplinaire, recourant fréquemment aux nouvelles technologies. Alors que la société, les mœurs évoluent, que les esthétiques et les formes se diversifient et témoignent de leur époque, il est paradoxal que ces activités tournées vers le futur ne trouvent que rarement une place en accord avec la richesse et la modernité qu'elles incarnent. Réunis pour la première fois le 2 mars 2004, tous ces acteurs de la musique contemporaine tiennent à faire le constat suivant :

> Il existe une dégradation de la perception de ce genre musical auprès des médias et des publics.
> Les lieux spécifiques de production et de diffusion de leur travail sont quasi inexistants.

> Les lieux de culture généralistes ne font que peu de place à ces activités malgré un potentiel de public important.

> La production sur support (disques, livres, DVD...) est dans une crise profonde. Le nécessaire débat sur la création musicale contemporaine manque de relais. Ils décident, pour la première fois de se fédérer avec les objectifs suivants:
> Rendre plus visibles les actions, les manifestations et la production musicales d'aujourd'hui.
>Agir pour obtenir des lieux de production et de diffusion adaptés.

> Mutualiser les ressources de chacun.

> Créer des espaces de réflexion et de débat et faire circuler l'information.

 

Cette notice est là pour permettre à beaucoup de personne, j’espère, de faire des remarques, de mettre en avant des sujets de recherches, etc ….. notamment pour la musique électronique (dont il faut bien, me semble-t-il, différencier la partie festive de la partie « raisonnée ») et les arts multimédia …. et ainsi de la compléter ….

…. et aussi de répondre au débat sus-cité… dont l’action est louable : « pour sensibiliser le public à un milieu musical méconnu, rien de mieux que d’aller à sa rencontre lors d’un évènement d’envergure » …. mais n’en demeure pas moins réalisée dans un lieu où seule une certaine élite se sera déplacée, avec donc principalement des spectateurs habitués à ces lieux et à cette musique.

 

 

 

16 décembre 2005

Le multimédia : résistance et/ou aliénation?

Toulouse - Éole – Novelum

Discussion dont j’espère avoir un compte-rendu prochainement.

Jeudi 10 novembre 2005 à 14h - CNR de Toulouse (dans le cadre du Festival Novelum)

Le multimédia fait éclater les genres, décloisonne les disciplines artistiques. De ce fait, il peut représente une forme d’avant-garde, par rapport à certaines démarches académiques et disciplinaires, et de résistance par rapport aux risques de sclérose esthétique. Mais dans le même temps, par un certain culte de l’amateurisme, une méconnaissance de l’histoire des arts, et un refus souvent constaté d’assumer une réelle et complète maîtrise technique et technologique, il peut aussi représenter un risque d’aliénation.

Comment préserver la force de la nouveauté sans tomber dans la naïveté ? Comment fonder une démarche artistique novatrice et convaincante par ses résultats et non seulement par le discours et les bonnes intentions ?

Introduction:
Jean Baptiste Barrière et Marianne Lyon

Intervenants:
Pierre-Albert Castanet, musicologue, professeur - Université de Rouen et CNSMD de Paris

Laurent Feneyrou, musicologue - CNRS - CRAL Paris

Jesus Aguila, musicologue et professeur - Université de Toulouse II-Le Mirail

Jean Baptiste Barrière, compositeur et artiste multimédia

Carole Hoffmann, maître de conférences en arts plastiques - Université de Toulouse II-Le Mirail, responsable du master professionnel création multimédia

Pierre Jodlowski, compositeur

Xavier Lambert, professeur agrégé, docteur en arts plastiques, directeur du département arts plastiques, arts appliqués - Université de Toulouse II-Le Mirail

Marianne Lyon – Cdmc

 

16 décembre 2005

Rapport à l'art!

Nous pourrions aussi mettre le nom musique contemporaine (ou art) à la place du nom roman dans ce passage de « L’art du roman » de M. Kundera (Gallimard). Ce dernier tient un discourt sur une forme littéraire qui serait en train de disparaître en tant que certains romans (je généralise la pensée de Kundera) […] ne prolongent plus la conquête de l’être. Ils ne découvrent aucune parcelle nouvelle de l’existence ; ils confirment seulement ce qu’on à déjà dit ; plus : dans la confirmation de ce qu’on dit (de ce qu’il faut dire) consistent leur raison d’être, leur gloire, l’utilité dans la société qui est leur. En ne découvrant rien, ils ne participent plus à la succession des découvertes […]. … [ ...]Or, si la raison d’être du roman est de tenir le « monde de la vie » sous un éclairage perpétuel et de nous protéger contre « l’oubli de l’être », l’existence du roman n’est-elle pas aujourd’hui plus nécessaire que jamais ?

Si, il me semble. Mais, hélas, le roman est, lui aussi, travaillé par les termites de la réduction qui ne réduisent pas seulement le sens du monde mais le sens des œuvres. Le roman (comme toute la culture) se trouve de plus en plus dans les mains des médias ; ceux-ci, étant agents de l’unification de l’histoire planétaire, amplifient et canalisent le processus de réduction ; ils distribuent dans le monde entier les mêmes simplifications et clichés susceptible d’être acceptés par le plus grand nombre, par tous, par l’humanité entière. Et il importe peu que dans leurs différents organes les différents intérêts politiques se manifestent. Derrière cette différence de surface règne un esprit commun. […] ils possèdent tous la même vision de la vie qui se reflète dans le même ordre selon lequel leur sommaire est composé, dans les mêmes rubriques, les mêmes formes journalistiques, dans le même vocabulaire et le même style, dans les mêmes goûts artistiques et dans la même hiérarchie de ce qu’ils trouvent important et de ce qu’ils trouvent insignifiant. Cet esprit me semble contraire à l’esprit du roman.

L’esprit du roman est l’esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : « Les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. » C’est la vérité éternelle du roman mais qui se fait de moins en moins entendre dans le vacarme des réponses simples et rapides qui précèdent la question et l’excluent. [ …]

L’esprit du roman est l’esprit de continuité : chaque œuvre est la réponse aux œuvres précédentes, chaque œuvre contient toute expérience antérieure du roman. Mais l’esprit de notre temps est fixé sur l’actualité qui est expansive, si ample qu’elle repousse le passé de notre horizon et réduit le temps à la seule seconde présente. Inclus dans ce système, le roman n’est plus une oeuvre (chose destinée à durer, à joindre le passé à l’avenir) mais événement d’actualité comme d’autres événements, un geste sans lendemain. […]

Est-ce que cela veut dire que, dans le monde « qui n’est plus le sien », le roman va disparaître ? Qu’il va laisser l’Europe sombrer dans l’ »oubli de l’être » ? Qu’il n’en restera que le bavardage sans fin des graphomanes, que des romans après la fin du roman ? Je n’en sais rien ? Je crois seulement savoir que le roman ne peut plus vivre en paix avec l’esprit de notre temps : s’il veut encore « progresser » en tant que roman, il ne peut le faire que contre le progrès du monde.

 

16 décembre 2005

Mécènat

Fut une époque pour laquelle les compositeurs étaient rattachés à des mécènes… beaucoup jusqu’au XIXème siècle, puis de moins en moins jusqu’à aujourd’hui où l’exception est seule réalité. Selon la définition, le mécène est une personne fortunée qui par goût des arts aide la création… Il n’est pas seulement cela. En effet, être rarement réellement désintéressé, il fonctionne sur la renommée, la démonstration d’un savoir, d’une grandeur, il appartient à la vie mondaine. Or le mondain vit avec ce qui est le plus en vue dans la société. Comment ce mondain cultivé, qui ne pouvait vivre qu’entouré d’artistes, a-t-il pu se détourner ainsi de l’art, et de la renommée par l’art qui servait aux créateurs, pour se livrer à l’oisiveté la plus végétative qu’impose la nouvelle mondanité : la « jet-set » ?! Pourquoi l’art a-t-il soudainement été aussi déprécié …. et la musique en particulier ?

Peut-être faut-il voir là un rapport différent à l’argent et à la vie matériel… à l’ancienne modernité? Celle que définit Antonin Artaud dans ses Messages révolutionnaires (Gallimard) : […] Cette jeunesse ne veut plus être dupe et, quand on dit que les temps ont changé et qu’aujourd’hui un intellectuel, un poète ne peuvent plus ignorer leur temps, elle rétorque qu’il y a erreur sur les intellectuels et sur le temps.

Elle ne sépare pas les intellectuels du temps, et les intellectuels ne se séparent pas de leur temps et, tout comme leur temps, ils pensent que l’esprit n’est pas une chose vide et que l’art ne vaut que par sa nécessité. Mais pour eux cette idée d’une action nécessaire ne veut pas dire prostitution de l’action. […]

En effet, par extension, la définition du mécène se transpose à une personne physique ou morale qui apporte un soutien matériel, sans contrepartie directe, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. Les contreparties ne sont pas direct mais entraînent des exemptions d’impôt, des nécessités de retombées publicitaires etc…. des idées bien éloignées du désintéressement matériel.

 

Publicité
Publicité
16 décembre 2005

Le public

Je différencierai trivialement le public en quatre catégories, chacun pouvant se retrouver dans plusieurs catégories :

1- « Le mélomane aguerri ». Il sait apprécier et déprécier la musique classique et la musique contemporaine de façon critique. Il est adepte de toutes salles de concerts, de festivals, de radios et chaînes de télévision qui diffusent et parlent de musique savante. Il attend des concerts, des événements, des musiques et des spectacles innovants et de qualités.

2- celui provenant d’une classe sociale lui ayant donné accès à certaines notions culturelles. Il se subdivise en deux.

2-1 « Le pseudo mélomane ». Il préfère se contenter de sous culture et ne fait aucun effort pour s’intéresser, connaître ou comprendre. Il s’attache, dans les arts en général, au côté représentatif, au beau commun, au sens premier… à ce qui ne demande pas une réflexion plus grande que celle qu’il fournit habituellement. Pour la musique, et son aspect naturellement abstrait, il attend qu’elle soit mélodieuse et consonante, qu’elle traduise des sentiments ou des émotions. Il pense qu’écrire la musique doit être spontanée et innée, que rien en elle n’est ou ne doit être construit, réfléchi ou éduqué. Pour lui, l’art contemporain, qu’il ne connaît finalement pas, est une dégénérescence.

2- 2 « Le mélomane échoué ». Il souhaite, ou pourrait, approfondir ses connaissances musicales et se confectionner une discothèque. Il ne possède, ou ne découvre, malheureusement pas les clés lui permettant de l’aiguiller dans ces choix et ne sait pas où les trouver. Lorsqu’il va à des concerts et achète des disques c’est en fonction des noms qu’il connaît ou dont on entend beaucoup parler. Il demeure ainsi enfermé dans le top 50 de la musique classique. Il se déplacera cependant facilement pour assister à un concert gratuit, ou pas trop onéreux, ayant lieu dans une salle à proximité de chez lui.

3- « Le mélomane potentiel ». Il est averti dans certains arts contemporains (pratiquant ou spectateurs) mais n’a qu’une lointaine connaissance de la musique classique (et n’y porte pas un grand intérêt) et pas du tout de la musique contemporaine. Il confond très souvent cette dernière avec les musiques électroniques et les musiques multimédia. De par son évolution et ouverture artistique il est habitué aux lieux transversaux. Il côtoie souvent ce qu’il appelle la musique d’avant-garde ou musique underground ou musique expérimentale.

4- L’inculte, qui se subdivise aussi en deux catégories.

4-1 « Le non mélomane jeune ». Il ne connaît encore rien ou pas grand chose du monde artistique et culturel. Il passe la plupart de son temps à l’école où il s’éduque. Sa virginité et son étonnement le rendent capable de s’intéresser à la musique classique et surtout contemporaine et aux arts en général si on les lui apporte de manière adéquate.

4-2 « Le non mélomane adulte ». Son niveau social entraîne qu’il doit parfois faire face aux urgences fonctionnelles ou qu’il ne s’attache qu’à l’existentiel, l’oisiveté ou le bien être matériel. Il ne connaît de la culture et de « la grande musique », comme il lui arrive de la nommer, pas plus que ce qu’il peut voir, lire ou entendre à la télévision, à la radio et dans les journaux grand public. Son mode de pensée est basé sur l’opinion, le principe, le préjugé et le lieu commun qui font qu’il est très difficile de l’amener vers autre chose. Il ne viendra jamais dans une salle de concert. Seul moyen de le toucher, investir, simplement, des lieux qui lui sont familiers.

Publicité
Publicité
Musique Contemporaine
Publicité
Publicité